20 mars 2016

#PrayForTurkey - 'Istanbul'

Istanbul, l'Occident et la compassion sélective.


Un coup de fil d’une amie. « Je n’ai plus besoin de ton sac à dos, on ne part plus à Istanbul demain. » Merde, mais pourquoi ? Oh, je n’ai pas vu les news encore. Il est midi pourtant, et rien sur mon smartphone ou mon ordi ne m’indique que des turcs viennent de mourir. Qu’un attentat s’est produit, en plein cœur d’une des plus belles villes du monde. Que des innocents comme toi et moi ont perdus leurs proches tandis que d’autres seront blessés à vie. Mais ça s’est produit en Turquie vois-tu ; la Turquie, ce pays qui attise la curiosité, la peur et l’incompréhension dès son évocation. Tant de clichés alimentés par l’esprit fermé des pays occidentaux et l’incompétence désarmante des médias. « Un attentat, ce matin, en plein centre-ville, pas loin de chez Irmak, tu y crois ça ? » (...) « Oui, c’est plus sûr de rester en Hongrie, les vacances ça attendra. Je préviens les autres et je m’assure que Mert et Özge aillent bien. » 

Heureusement Irmak est saine et sauve, et ses proches aussi, pensais-je. Mais non, Irmak ne va pas bien finalement. Elle hurle de douleur, je le sens dans ses messages, je le lis dans ces mots. Elle est apeurée, elle est en colère, elle est complètement perdue. Comme moi le 13 novembre. Comme nous tous je suppose.

Pourtant j’entends déjà tant les bourgeois du XVIème que les paysans de ma région penser: Oh, pas de quoi être étonnée, ça doit être normal là-bas chez eux. C’est loin, c’est pauvre, c’est contrôlé par un dictateur, c’est musulman, c’est en pleine guerre, les kurdes, le PKK, Erdogan, la liberté de la presse, les droits de femmes, la frontière avec la Syrie, l’Etat Islamique, tout ça quoi. C’est normal pour ces gens-là. Et bien non. Pas du tout. Une bombe dans la rue la plus fréquentée de la plus grande ville du pays, ca ne va pas de soi. Ce n’est pas leur quotidien. Du moins ça ne l’était pas.


- "(...) Unfortunately I don't feel safe here, terrorism attact can be happend again in Turkey and I don't know what to say, I'm scared of even walk in the street and our governmental situation is too complex right now. It must be end soon. Otherwise no way to live my beautiful city..."


- "(...) We live in unsafe times now. I am fine but my friend's friend died and one of my friend got injured last week. We had been trying to cover ourselves then we heard about Istanbul. After seeing photos which are entirely bad, it is hard to go on. Upcoming two days would be more dangerous, sunday and monday. Let's hope nothing will happen. (...)"


- "Yeah honestly I even cannot be sure about going out nowadays...It's a really sad situation. I have no idea what to do, how to feel...I'm so upset. And angry. Why all these things are happening? Why do some innocent people have to die?!"


Réactions de mes amis.







J'étais censée aller les voir à la fin de mon erasmus, en Mai. J'avais même fait faire un passeport rien que pour la Turquie. Istanbul et Cappadoce. Maintenant je doute. Ce pays est si magnifique, et les habitants sont si chaleureux et accueillants, mais l'aventure attendra peut-être, et l'amitié tiendra, de toute façon.











Pourquoi nous sentons nous déconnectés de la Turquie ? Pourquoi cette attaque ne touche pas les pays riches ? Pourquoi ne nous sentons nous pas concernés ? Dis Mark Zuckerberg, il est où le drapeau turc sur les photos de profil facebook ? Et vous, maires des capitales du monde, ils sont où les éclairages des grands bâtiments au couleur de la Turquie ? Ah, c’était si hypocrite en novembre. Vous étiez Charlie, vous étiez Paris, mais bon sang de bonsoir pourquoi n’êtes-vous pas Istanbul ni Ankara ? Cette solidarité sélective me dégoûte. Je croyais que nous étions tous humains, tous égaux, mais il faut croire qu’une exception s’applique lorsque l'on ne partage pas la même culture, la même religion, la même couleur de peau ou le même système politique.

James Taylor l’a si bien dit : "C’est facile de regarder les attaques terroristes qui se produisent à Londres, à New York, à Paris et de ressentir de la douleur et de la tristesse pour les victimes. Donc pourquoi n’est-ce pas la même chose pour Ankara? Est-ce parce que vous ne réalisez pas qu’Ankara ne diffère pas de l'une de ces villes? Est-ce parce que vous pensez que la Turquie est un pays à majorité musulmane, comme la Syrie, comme l'Irak, comme les pays qui sont dans un état de guerre civile, et que par conséquent, ça doit être pareil. Est-ce parce que comme vous ne vous souciez pas de ceux-là, alors pourquoi se soucier de la Turquie? Si vous pensez que ces attaques d’Ankara ne vous affectent pas, ou que vous ne pouvez pas ressentir la même douleur que vous avez ressentie lors des attaques de Paris ou de Londres, alors peut-être vous devriez vous arrêter et penser pourquoi, pourquoi vous sentez vous comme ça ?


Pendant que les monstruosités continuent hors de nos frontières, nous, petits français narcissiques, nous sommes focalisés sur l’arrestation d’un des hommes responsables de notre douleur il y a 4 mois de ça. Une douleur pourtant similaire à celle des turcs, mais dont on ne se sent pas concerné. Alors certes cet enfoiré a été arrêté, mais, et alors, j’ai envie de dire. Et alors ? Tant mieux, c’est sûr, mais des gens comme lui, il y en a des centaines. C'est quoi la suite ?

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